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Femmes et lectures au XIXe siècle en Espagne: doctrine et pratiques

Solange Hibbs-Lissorgues





Comme l'ont signalé plusieurs chercheurs, le XIXe siècle est celui de l'incorporation des femmes dans le monde de la lecture1. De manière générale, si l'on tient compte des réflexions que font, encore à la fin du siècle, écrivains et éditeurs sur le faible nombre de lecteurs espagnols, il devient problématique d'établir un profil sociologique du lecteur et plus précisément des lectrices. L'éditeur Juan Bastinos, solidement implanté à Barcelone, déplore à maintes reprises le manque de goût du peuple espagnol pour la lecture et remarque que seuls trois millions de personnes ont accès aux livres2. Bien sûr le nombre de femmes lectrices reste dérisoire en cette deuxième moitié du XIXe siècle: en 1860, le pourcentage moyen de femmes sachant lire était de 9,05 %3 et en 1870 l'Espagne compte un peu plus de 10 % de lectrices4.

Quoi qu'il en soit, il semble que dans la lente conquête de l'éducation et de la lecture de textes chaque fois plus diversifiés, les femmes toutes catégories confondues aient progressé plus vite que les hommes. Cette évolution ne peut cependant occulter certaines réalités: une géographie de la lecture s'impose car en termes de lectorat féminin le nombre de femmes sachant lire en 1860 est beaucoup plus important dans les grands centres urbains que dans la périphérie5. Par ailleurs bien que dans les dernières décennies du XIXe siècle le taux d'alphabétisme des femmes (apprentissage de la lecture et de l'écriture) ait progressé plus vite que celui des hommes, les femmes analphabètes représentent encore un pourcentage de 71,4 % par rapport aux 55,7 % d'analphabétisme de la population masculine6. Cette évolution est sans aucun doute favorisée par le développement des écoles pour filles, par la multiplication d'associations de bonnes lectures et de cours du soir ou du dimanche encadrés par les femmes de la haute bourgeoisie et de la noblesse et destinées aux classes populaires. Comme le fait remarquer un des promoteurs reconnus des bibliothèques paroissiales au XIXe siècle, le père Antonio María Claret, l'accès des femmes à l'éducation et par conséquent à la lecture n'a cessé de progresser.

Antes, y no muy lejos, eran muchísimos los hombres que no sabían leer, y aún era más crecido el número de mujeres que ignoraban este ramo de instrucción; pero en el día pocos y muy pocos son los niños y niñas, y aún adultos ignorantes de ambos sexos, que no acuden a las escuelas públicas y privadas, que, además de los maestros y maestras puestos por el Gobierno, han abierto, llenos de celo y caridad y con el mayor desinterés, los socios de las Conferencias de San Vicente de Paul. Lo mismo han hecho las señoras de la alta sociedad: con la mayor abnegación, caridad y celo, han abierto en diferentes puntos sus escuelas dominicales, a que asisten por miles criadas de servir y las jóvenes de oficio y labor7.



Pendant cette même période, la prolifération de congrégations féminines et d'associations religieuses qui assurent l'éducation des femmes est un autre facteur de poids dans l'accès à la lecture8. La socialisation de la lecture, surtout au niveau du lectorat féminin, est donc un phénomène reconnu et elle génère discours et pratiques différentes. Malgré les réticences d'usage, surtout celles manifestées par l'institution ecclésiastique, éditeurs et libraires doivent veiller à satisfaire les besoins nouveaux en matière de consommation:

Con este grande elemento de instrucción, gracias a Dios tan generalizado [...], se ha creado en la sociedad una nueva necesidad, y ésta es la necesidad de libros para leer. [...] En el día, pues, la sociedad tiene hambre y sed de libros, y nosotros la debemos saciar9.



Ces mots du père Claret, fondateur de la Librería Religiosa de Barcelone, reflètent le besoin de toucher toutes les classes sociales. La femme bourgeoise ou aristocrate, la femme ouvrière, la femme servante et même la femme de la classe moyenne sont autant de publics spécifiques qu'il convient de ne pas négliger. Dans son catalogue annonçant El amigo de la familia, «collection de romans destinés au divertissement honnête et utile des familles», l'éditeur Tejado précise que le premier ouvrage de la série est un roman sur la famille et plus particulièrement sur la femme en tant que mère, épouse, fille, veuve et religieuse, c'est-à-dire autant de modèles dans lesquels peut se reconnaître le lectorat féminin.

L'effort d'adaptation à des catégories sociales différentes aussi bien dans la presse que dans la littérature en général ou dans une production protéiforme de textes religieux témoigne de la volonté de capter de nouveaux publics laissés jusqu'alors à l'écart. Ce souci de captation de nouveaux lectorats et d'encadrement des pratiques de lecture est clairement affiché par l'institution ecclésiastique. Certaines personnalités connues dans la vie religieuse des dernières décennies du siècle, comme Enrique de Ossó y Cervelló (1840-1896), archevêque de Barcelone, fondateur de la Compañía de Santa Teresa de Jesús en 1873, ont compris le parti que l'on pouvait tirer des associations et confréries catholiques pour diffuser l'imprimé religieux et susciter une pratique quotidienne de la lecture. Cet ecclésiastique qui est un des rénovateurs de la pédagogie catéchistique en Espagne précise dans le règlement de la Compañía que les jeunes filles chrétiennes sous la protection de sainte Thérèse «doivent former un bataillon de troupes aguerries contre le mal» et qu'un des moyens d'y parvenir est de se consacrer avec assiduité aux lectures religieuses10. Les bulletins de la Compañía révèlent le succès d'ouvrages pieux et accessibles comme El cuarto de hora de oración según las enseñanzas de Santa Teresa de Jesús, ouvrage cité par les personnages-lectrices de romans du XIXe siècle, qui atteint sa quarantième édition en 1926 et qui sera publié jusqu'en 1979.

Par ailleurs, dans les romans écrits pour les femmes s'ébauchent des profils différents. Il est significatif à cet égard que les œuvres mettant en scène des femmes de l'aristocratie ou des grandes bourgeoises accordent un espace chaque fois plus important, surtout à partir des années 1860, à la travailleuse des villes, à l'employée, ou encore à la servante et à l'ouvrière. Cette littérature reflète une nouvelle réalité sociale: l'urbanisation croissante accompagnée d'une émigration vers les centres urbains et d'une concentration de la population qui favorise une sociabilité mixte considérée souvent comme une menace pour la cellule familiale et la cohésion sociale. Prises en charge par les associations religieuses soucieuses d'«éduquer» des classes sociales plus démunies, les femmes ouvrières, travailleuses des villes sont autant de cibles potentielles comme en témoignent les propos de l'ecclésiastique et apologiste Félix Sardá y Salvany:

Y creías tú, pobre hija del pueblo, que se había olvidado de ti la Revista Popular, que sólo para el pueblo se atreve a salir cada semana de su oscuro rincón a la luz? [...] En ti he pensado mil veces [...], quise apellidarte lectora mía, me atrevo a llamarte colaboradora. ¿Sabes por qué? Porque de tu cooperación espera principalmente la Revista el logro de sus cristianas esperanzas11.



Cette démocratisation par la lecture n'est pas sans inquiéter: en effet les lectures féminines font l'objet d'une attention toute particulière. L'acte de lire sans médiation ou contrôle est encore considéré dans la société du XIXe siècle comme un danger pour la santé mentale et morale12. Si des progrès sont perceptibles dans l'accès à la scolarisation des plus jeunes filles et à l'éducation pour différentes classes sociales et différents groupes d'âge, la femme est toujours considérée comme fragile, au même titre que les enfants, et elle fait l'objet d'une protection paternaliste. Dans une de ses œuvres les plus connues et diffusées, La colegiada instruida (1864), le père Claret souligne qu'il est nécessaire «de instruir y educar bien a la mujer, a fin de evitar los muchísimos y gravísimos males que puede causar si se le abandona»13. À défaut de livres, dans les foyers les plus modestes, c'est le journal religieux, l'almanaque qui représente le principal support de lecture. En renouvelant quotidiennement ces lectures à voix haute avec les autres membres de la famille, la mère est à la fois apprenante et formatrice:

Para ti escribimos, pues, casi siempre, y tú puedes hacernos la buena obra de trasladar a los tuyos lo que en tu boca tendrá mayor atractivo y más eficaz elocuencia14.

Mais l'accès à la lecture se fait surtout hors institution. La véritable éducation est celle qui s'instaure dans les quatre murs domestiques. Promue éducatrice naturelle alors qu'elle est exclue de la culture, la femme est chargée d'apprendre à lire aux enfants et aussi à la domesticité. On apprend à lire en déchiffrant les textes sacrés, le jour mais aussi le soir, en veillée ou durant l'exercice des tâches quotidiennes et domestiques. L'apprentissage et la maîtrise de la lecture sont difficilement quantifiables mais nombreux sont les témoignages de l'époque (opuscules consacrés à la lecture, pastorales, brefs, littérature préfacielle ou représentations de l'acte de lecture dans la production romanesque) qui montrent comment la lecture imprègne intimement et à des degrés divers la vie familiale. Dans une longue série d'articles intitulée «El sacerdocio doméstico», Sardá y Salvany évoque le patrimoine livresque des familles espagnoles où «se leía y se leía mucho y se leía bueno. [...] Los libros se tenían en gran precio y eran como herencia vinculada que pasaba de padres a hijos»15.

Même si l'apprentissage de la lecture passe fondamentalement par les livres religieux, cette «lectura doméstica, siquiera un cuarto de hora cada noche, siquiera media hora cada domingo» est la meilleure des écoles. L'intégration à la lecture de femmes de condition modeste passe par l'apprentissage dans les maisons où elles sont servantes, nourrices et domestiques. La lecture répétitive du soir à laquelle se livre María avec la gouvernante Genoveva, dans Marta y María (1886) de Armando Palacio Valdés, en est un exemple: lecture de vies de saints, à voix haute, lecture des mêmes textes qui permettent à la fois de fixer les mots et de développer sa mémoire.

Por último, la señorita decidiose a romper el silencio.

-Genoveva, ¿quieres leer este trozo de la vida de Santa Isabel? -dijo, alargándole el libro.

-Con mil amores, Señorita.

-Mira, ahí donde dice: Cuando su marido...

Genoveva empezó a leer para sí el párrafo; pero muy presto la interrumpió María, diciéndole:

-No, no; lee en voz alta.

Entonces obedeció, leyendo [...].

-Basta, no leas más: ¿qué te parece?

-Ya he leído muchas veces esto mismo16.



Lire pour apprendre, lire peu, relire les mêmes textes en respectant des parcours de lecture balisés sont des principes incontournables. Il y a sacralisation et vénération du texte, texte qui doit être appris et intégré dans les acquis à long terme:

La segunda manera de aprender hemos dicho que era por medio de la lectura. Cuando una niña tenga que aprender una cosa en cuanto a la sustancia, lo leerá con mucha atención y cuidado de punto en punto [...] y procurará recitarlo todo una o más veces [...]. Esta manera de aprender será la que la acompañará en toda su vida [...]. Recordarás la lectura de la noche anterior, y así puedes volverás a leer lo mismo con mucha atención17.



Cet apprentissage même limité est ressenti comme une étape indispensable dans la conquête d'une certaine autonomie comme le reflète la demande de Juana, femme simple de la campagne et servante, dans El copo de nieve (1876) de Ángela Grassi:

Sería un gran pecado en mí, aceptar hoy las limosnas que nos dan, supuesto que podemos vivir de nuestros propios recursos. Repártalas usted entre los más necesitados; pero en cambio quisiera pedir otra cosa. Quisiera que usted [...] me enseñase a leer y a escribir para enseñar yo a mi Miguel, que es hombre, y necesita recibir otra instrucción18.



C'est Juana, servante dévouée, qui, lorsqu'elle aura acquis les rudiments de la lecture, sera investie de la mission d'éducatrice des deux jeunes enfants de la maison, Carlos et María. Elle leur apprend à lire en leur faisant réciter les prières et par le biais de lectures répétitives des textes religieux: «Juana, sentada junto al hogar [...], hacía recitar a María su plegaria de la noche»19.

L'état d'abandon intellectuel dans lequel se trouvent de nombreuses femmes du monde rural est décrit dans La Puchera (1889) de José María de Pereda. Inés, fille d'un propriétaire terrien d'une sordide avarice, est rabaissée au rang de servante et son intelligence est totalement en friche. Sa mère, seule possible perpétuatrice des apprentissages de base, est morte. C'est avec le séminariste Marcones qu'Inès apprend d'abord à déchiffrer les premiers textes, puis à lire et à écrire. Cette pratique de la lecture non seulement stimule une intelligence longtemps enfouie mais permet d'accéder à l'autonomie sociale et au plaisir de la découverte du monde environnant. Véritable catalyseur, la lecture n'est pas seulement un acte utile mais un élément de libération et de révélation.

Dans ce cas aussi, apprendre à lire se fait dans l'intimité de la maison. Cette intimité est d'ailleurs considérée comme propice à un certain type de lecture; une lecture à l'image de ce que doit être l'univers féminin: un monde clos, protégé des dangers de l'extérieur. Dans ce cas, comme en témoignent ces paroles de l'ecclésiastique Sardá y Salvany, la lecture est un apprentissage qui se transmet des parents aux enfants et à tous ceux qui appartiennent à l'environnement familial:

Mi ocurrencia, curioso lector, es la de que en todas las familias cristianas de hoy debiera tenerse cada día un ratito de lectura [...], un ratito de lectura espiritual [...]. Sí, sí, lectores míos; como en un convento y como en un seminario; que la palabra convento significa reunión [...] y la voz seminario significa semillero, y la casa debe serlo de buenos hijos y de buenas costumbres20.



À ces «rites» de la lecture, lecture familiale et pédagogique, lecture répétitive de textes soigneusement répertoriés, lecture intensive dans l'univers protégé réservé aux femmes, se superposent de façon progressive et inévitable d'autres pratiques lectoriales dont l'impact social et culturel suscite bien des inquiétudes.


Discours et doctrine en matière de lecture(s)

Les sources et les lieux de ces discours, de cette doctrine en matière de lectures féminines sont nombreux: textes «officiels» (manuels, ouvrages sur la lecture, pastorales), presse spécialisée destinée aux femmes et souvent rédigée par elles, littérature préfacielle proposant des parcours de lecture prudemment balisés, textes des romans où le discours sur la lecture est pris en charge par le personnage lecteur lui-même. Autant d'espaces différents et multiples, révélateurs de méfiances profondément enracinées mais aussi de changements qui ébranlent la rigueur de certains interdits. Car si la lecture surtout individuelle est considérée comme un «poison pour le cœur et l'esprit», pour reprendre les termes de l'ecclésiastique Antolín Pérez Peláez, il n'en demeure par moins vrai que la lecture sous des formes diverses est devenue, depuis les années 1850, un phénomène irréversible.

La plupart du temps la lecture est considérée comme une entreprise risquée car elle peut entretenir une activité cérébrale et psychique intense, susciter l'identification de la lectrice avec l'univers fictionnel. Elle est un danger lorsqu'elle sollicite l'imagination et le désir. Dangereuse la lecture l'a été bien avant la période qui nous concerne à cause des potentialités contenues dans les textes susceptibles de se révéler sans médiation et sans contrôle. Par ailleurs, il est significatif de constater la presque totale absence dans les textes et discours du XIXe siècle de la notion de plaisir de la lecture. Dans l'exhaustif corpus qui contient garde-fous et avertissements s'établit un protocole du «bien lire» que doit respecter tout lecteur. Les mises en garde abondent et dans les romans, de plus en plus nombreux en cette deuxième moitié de siècle, les préfaces, prologues et autres interventions de l'auteur engagent le lecteur avec autorité dans les seules voies qui lui sont permises. La lecture doit reposer sur le respect et la crainte du texte, lecture qui se célèbre comme un rite. Ce qui est redouté est la lecture «comme un dispositif où le lecteur serait aspiré, possédé par l'image qui lui est tendue, courrait le risque de suivre le héros ou l'héroïne dans ses pires dérives»21.

Même si pour les femmes l'accès à la lecture est difficilement mesurable, surtout si l'on tient compte des disparités existant entre un lectorat urbain et un lectorat plus rural et périphérique et des inégalités entre femmes de milieux sociaux différents, les craintes concernant les effets néfastes des «mauvaises lectures» et surtout des romans s'expriment unanimement. En effet, il n'y a pas que les représentants de l'institution ecclésiastique qui dénoncent les conséquences perverses de certaines lectures sur la femme et sur la société toute entière. Nombreux sont les ouvrages pseudo-scientifiques publiés au cours du XIXe siècle qui incriminent la faiblesse de la nature féminine: impressionabilité excessive, sensibilité exacerbée et imagination développée sont autant de facteurs aggravants lorsqu'il s'agit d'expliquer la «quichottisation» provoquée chez les femmes par la lecture romanesque ou les comportements socialement dangereux. La lecture est rarement considérée comme une construction de soi, mais comme une aliénation.

Dans une perspective critique qui ne remet pas en cause l'existence de la littérature romanesque mais qui s'interroge sur sa légitimité artistique et sociale, Benito Pérez Galdós propose maintes réflexions sur la lecture par le biais de personnages lecteurs. Dans Rosalía, roman «initiatique», metanovela, publié par Galdós en 1872, le personnage féminin de Charo, prostituée de Madrid, qui dévore les romans feuilletons publiés par la presse, met en évidence l'hypertrophie et la déviance de ses désirs. La lecture de ces feuilletons nourrit Charo en fantasmes que le narrateur se complait à représenter sous forme de clichés. L'identification de la lectrice avec les personnages des feuilletons caractérisés par Galdós de ladrones de papel est si intense qu'elle sombre dans un état pathologique de surexcitation mentale qui favorise «la imaginación errática y dislocada»22. Charo aime surtout la littérature sentimentale, et plus particulièrement les romans d'Alexandre Dumas. Sa lecture de La dame aux camélias suscite en elle une telle identification au personnage de Marguerite Gautier qu'elle finit par imiter son langage et adopter les poses d'une malade atteinte de tuberculose. Cette vampirisation de Charo est ironiquement soulignée par la technique du «collage» linguistique qui mêle le langage familier de la prostituée à la rhétorique artificielle des romans feuilletons.

Écrire la lecture de son personnage permet à Galdós de pasticher les textes que Charo consomme, textes qui sont aux antipodes de la vraie littérature, de la littérature «réaliste»:

Pero lo que sacaba de quicio a nuestra lectora era La dama de las camelias, obra que nos guardaremos muy bien de equiparar a las anteriores, y que ella había leído doce veces y media, viéndose afectada de vagos deliquios y de dulces arrobamientos, durante tan grata tarea [...]. Estos y otros pensamientos y aquellas doce lecturas y media fueron la causa de que Charito deseara ardientemente ser la dama de las camelias; pero sin morirse23.



Il s'agit d'une lecture pathologique en quelque sorte dans la mesure où elle abolit les frontières entre le passé et le présent, la représentation et la réalité. Dans ce cas-là, comme se complaît à le montrer Galdós, la lecture d'un certain type de littérature qui se prête à l'effusion des émotions et aux délires de l'imagination est fondamentalement aliénante. Les caractéristiques formelles et esthétiques des romans-feuilletons dont s'alimente Charo sont à l'opposé de la vérité et du réalisme:

Nada de ambigüedades, nada de sorpresas, nada de engaños, nada de artificios: las cosas claritas, los acontecimientos sin emboscadas ni socaliñas. Como esto, aunque parece novela, no lo es, sino verdad y muy verdad, vaya ésta siempre por delante24.



Cette expérience de la lecture où l'identification de la lectrice aux personnages et événements apparaît comme une compensation précaire qui ne comble ni le vide intérieur, ni ne satisfait les désirs, est également présente dans Marta y María (1883) de Palacio Valdés. Avant de glisser dans une crise mystique imprégnée de lectures religieuses, María s'adonne passionnément à la lecture de romans qu'elle se procure dans la bibliothèque familiale: Ivanhoé, La dama del lago, et autres romans historiques de Walter Scott. Ces lectures qui font partie du patrimoine livresque d'une bourgeoisie espagnole aisée constituent une fallacieuse évasion de la réalité:

Cada una de aquellas novelas dejaba huella duradera en su juvenil espíritu, y durante algunos días, en tanto que los personajes de otra no lograban cautivarla, pensaba sin cesar en los hermosos milagros que el amor de la heroína, puro como el diamante y tan firme, había realizado. Y tomando la acción donde el novelista la había dejado, que era siempre en el acto de celebrarse las bodas de los atribulados amantes, la proseguía en su imaginación fingiéndose con todos sus pormenores la vida venturosa que los esposos llevarían rodeados de sus hijos [...]25.



Le choc entre monde livresque et monde réel est marqué par le progressif désenchantement qui envahit María: la lecture de romans, loin de transformer sa vie, ne l'a rendue que plus prosaïque et terne. Sa rencontre avec un camelot turc qu'elle croit sorti d'un roman et qui n'est qu'un habitant comme les autres de Reus, lui inspire le dégoût de fictions qui n'ont rien à voir avec le monde réel.

Comme dans d'autres romans de cette époque, la lecture a une fonction de caractérisation du personnage. Dans Marta y María, comme dans Rosalía, La Regenta ou encore La Puchera, la lecture est un moyen privilégié de peindre la subjectivité du personnage-lecteur, et en l'occurrence de la femme lectrice. La lecture révèle la femme dans sa sensibilité la plus intime. La transformation de María qui laisse de côté les romans pour s'adonner aux ouvrages religieux s'exprime physiquement, pendant l'acte de lecture:

Marta cogió de nuevo el libro, acercó una silla a la ventana y, sentándose en ella, se puso a leer, porque la luz ya se lo permitía. Era la Vida de Santa Teresa [...] a medida que se enfrascaba en la lectura, el rostro de la joven se fue serenando más y más, y la profunda arruga de la frente concluyó por desaparecer [...]. Cuando levantó los ojos del libro, advertíase en ellos cierto regocijo o satisfacción íntima26.



La perte de conscience de la réalité, les ravages d'un imaginaire totalement libre sont décrits de façon dramatique par de nombreux écrivains «édifiants» du XIXe siècle. C'est le cas avec Grassi, romancière prolifique qui semblait vouloir justifier son activité de romancière par une production qui offrait les garanties de l'innocuité idéologique et du didactisme. Elle n'est pas la seule dans ce cas et il est intéressant de constater que la littérature pour un lectorat féminin produite par des femmes est en augmentation constante dans cette deuxième moitié de siècle. L'abondance des rééditions d'œuvres de ces romancières du XIXe siècle prouve qu'il existait une demande pour cette littérature. Néanmoins, bien souvent l'écriture romanesque de ces écrivains-femmes est vécue comme une nécessité pédagogique.

Dans El copo de nieve de Grassi, tous les malheurs de Clotilde, l'héroïne principale, sont provoqués par la fréquentation excessive de romans. À force de s'identifier aux personnages féminins de Georges Sand, Clotilde finit par trouver son existence paisible entre ses deux enfants et auprès d'un mari aimant absolument ennuyeuse:

¡Esta vida tiene detalles tan prosaicos!, prosiguió con amargura. ¡Adoro a mis niños tan bellos, tan graciosos; pero a lo mejor me es preciso descender de las sublimidades del maternal para ocuparme de sus calcetas! [...] ¡Y nada, nada que interrumpa la monotonía de mi existencia! ¿Es esto amor? ¿Son éstas las delicias del matrimonio? ¡Ah, que mis libros dicen bien!, el matrimonio es una institución funesta [...] que sobre todo convierte a la mujer en esclava, en máquina [...]. ¿Me he transformado yo? ¡No sé, pero no soy feliz, no, no soy feliz!...27



Les excès de l'imagination dont est victime Clotilde sont la cause de tous ses malheurs. Après de longues souffrances et une expiation non moins douloureuse, elle retrouve la paix de l'âme et du cœur en vaquant de nouveau à ses occupations domestiques. Ces tâches sont l'antidote extérieur aux rêveries intérieures de l'imaginaire. Pour fortifier la raison féminine et ligoter l'imaginaire, des lectures austères sont recommandées: ce sont les ouvrages de Luis Vives, Instrucción de la mujer cristiana, de Fray Luis de Granada et de saint François de Sales qu'Irène, l'héroïne de La mujer fuerte de Gabino Tejado, propose aux femmes catholiques.

La «mauvaise conscience» qu'éprouvent de nombreux écrivains, surtout féminins, à produire des romans même édifiants est rachetée par les nombreuses digressions morales sur les dangers de la lecture. Fernán Caballero est probablement un des cas qui illustre le mieux la position inconfortable d'une romancière dont les œuvres sont perpétuellement limitées par les exigences de l'écriture pédagogique. Dans Clemencia (1856) l'héroïne met en garde les lectrices contre les possibles perversions du genre romanesque:

no me gusta la novela, respondió Clemencia, porque su objeto sin mala intención por parte del autor, no es moral, y este fin u objeto que debe estar aún más en el espíritu que en las palabras, es a mi ver el que debe tener toda novela...28



En ce qui concerne La Gaviota, le message est encore plus explicite. La duchesse de Almansa qui représente, nous dit Caballero, l'idéal de la femme chrétienne,

leía poco y jamás tomó en sus manos una novela. Ignoraba enteramente los efectos dramáticos de las grandes pasiones. No había aprendido ni en los libros ni en el teatro el gran interés que se ha dado al adulterio29.



Le livre, d'abord simple instrument d'évasion, peut devenir une fuite devant le quotidien. La société est alors en danger car la femme ne remplit plus son rôle d'épouse et de mère qui consiste à veiller à l'ordre domestique. Lire, c'est rêver, c'est s'évader, échapper aux normes, aux conventions qui régissent la culture catholique mais aussi celle de la société bien-pensante du XIXe siècle.

La lecture joue donc un rôle essentiel dans certains de ces romans: expérience décisive car elle représente une «transgression» des normes, expérience dangereuse car elle suscite une opposition entre le monde intérieur et le monde extérieur. À cette lecture transgressive il faut opposer la lecture «utile» codifiée, véritable orthopédie spirituelle. À ce titre remarquons la prolifération d'ouvrages, de manuels de «bonne lecture», d'opuscules de nature diverse destinés à contrecarrer les pratiques nouvelles et incontrôlées qui s'instaurent.

Dans La doncella cristiana o consejos y ejemplos que se ofrecen a las jóvenes instructoras y alumnas que frecuentan las escuelas dominicales (1874), il est suggéré que la femme étant dotée d'une nature particulièrement vulnérable et impressionnable, cette dernière ne devra s'adonner qu'à des lectures «utiles»:

lecturas tratadas con ornato de lenguaje, el cual dejando la verdad siempre la misma en el fondo, la haga más agradable, e imprima más fuertemente sus máximas en el corazón de la mujer tan contrariado con las que el siglo le propone [...]30.



Car ce qui est devenu un phénomène irrépressible est l'abondance des lectures, la variété des genres proposés. Tout est prétexte pour lire et les femmes sont une cible privilégiée:

La monomanía de la lectura es una de las enfermedades epidémicas de la presente edad. Libros, folletos, periódicos, revistas, entregas, hojas sueltas, carteles, anuncios, esquelas, tarjetas en confuso y vocinglero tropel y semejantes a caudaloso río [...]31.



Cette diversification des lectures et des pratiques remet en cause la lecture répétitive des mêmes textes, celle qui sollicite la mémoire et préserve l'imagination. Comme le rappelle le père Claret dans plusieurs de ses écrits destinés aux jeunes filles et femmes, il convient d'enseigner la lecture, mais «recordarás la lectura de la noche anterior, y si puedes, volverás a leer lo mismo con mucha atención»32. Dans Carta espiritual o avisos a las niñas (1865) du père Vicente Ferrer Carreras, la lecture n'est que le complément d'autres activités: «La lectura es un acompañamiento impuesto para evitar excesos de la imaginación [...]; leed cuando es tiempo de leer»33.

Les parcours de lecture sont invariablement les mêmes: textes religieux, ouvrages pieux, vies de saints, galerías de femmes célèbres, romans édifiants sous très strict contrôle familial, religieux ou institutionnel. Les nombreuses références à ces ouvrages nous renseignent sur les types de lectures les plus en usage: «Leed a menudo algún libro bueno, como El camino recto, la Imelda, Imitación de la Virgen Virginia, Avisos a las doncellas y otros [...]»34.

Ces mêmes lectures sont celles de Ana Ozores dans La Regenta (1884). Lectures ressassées au cours des différents moments de sa vie de femme, lectures qui ne remplissent ni son esprit ni son cœur:

Después se sentó en una mecedora junto a su tocador por no caer en la tentación de acostarse y leyó un cuarto de hora un libro devoto en que se trataba el sacramento de la penitencia en preguntas y respuestas35.



Ces ouvrages sont l'Imitation de Jésus-Christ, les manuels et catéchismes du père Croiset (El año cristiano) et de Kempis36.

La substance essentielle des discours en matière de lecture est la méfiance: les mises en garde contre le vécu de la lecture, la libération de l'imaginaire, l'évasion par rapport aux contraintes et le regard nouveau sur soi et les autres, abondent et structurent un paysage sans densité ni perspective. Si un effort est perceptible quant à la variété des genres proposés, à savoir manuels épistolaires, romans et narrations exemplaires, presse religieuse qui offre un éventail plus ample de textes adressés aux femmes, le parcours est toujours sous haute surveillance. Parallèlement aux discours codifiés sur la lecture, des initiatives sont prises pour contrôler sa diffusion. En effet, la démocratisation de la lecture qui concerne différents types de lectorats féminins se manifeste à la fois par la diversification des pratiques et supports, mais aussi des moyens de diffusion. A fin de canaliser l'acte de lire, se mettent en place des «espaces de lecture singuliers»: par exemple les bibliothèques paroissiales et populaires37.

Ces bibliothèques paroissiales sont destinées à fonctionner comme un «cordon sanitaire» face à la multiplication des bibliothèques familiales constituées par les romans bon marché et les feuilletons de la presse. Un des militants les plus ardents de l'instauration de ces bibliothèques, le père Antonio María Claret, est sans aucun doute un de ceux qui, en cette deuxième moitié du XIXe siècle, entament une véritable réflexion sur la pédagogie de la lecture. Le livre, par sa mobilité, sa disponibilité, par l'autonomie qu'il assure à son utilisateur, est un outil privilégié pour la formation, formation dont ne sont pas exclues les femmes. Au contraire, parce qu'elles sont des médiatrices incontournables au sein de la famille, elles doivent pouvoir non seulement apprendre à lire, enseigner la lecture, mais aussi gérer les fonds d'ouvrages constitués dans toutes les paroisses. De cette façon se tissent les liens entre lecture privée et lecture collective:

¿Cuáles son los principales deberes del bibliotecario?

-Ha de ser hombre (o mujer) prudente, caritativo y de celo muy fervoroso, porque sin celo no hará nada que valga; ha de tener el índice bien formado de los libros de la Biblioteca de su cargo; ha de cuidar que todos los libros se conserven en buen estado [...]; hará de modo que aumente el número, pidiendo y comprando con el dinero que recoja de donativos y de los suscriptores. Tendrá una libreta en que estarán escritos los nombres de los suscriptores. Procurará que los suscriptores y los que no lo son lean algún libro de la Biblioteca...38



Autre initiative qui mérite d'être soulignée car elle est une réponse à la demande d'un lectorat féminin plus visible: la production substantielle d'une littérature récréative où la femme occupe une place privilégiée aussi bien en tant que sujet d'études que comme auteure. Bibliothèques et collections spécifiquement destinées à ces nouvelles lectrices se multiplient. Leur présence dans les catalogues des libraires et éditeurs de l'époque est un signe évident de cette évolution. Certaines œuvres à succès, inconnues pour la plupart aujourd'hui, comme celles de María Pilar Sinués del Marco, Ángela Grassi, servent de manuels de lecture dans les écoles et des romancières comme Pilar Pascual de San Juan, Enriqueta Lozano de Vilches ou Luisa Torralba de Marti qui signe sous le pseudonyme de Aurora Lista, adaptent les genres et les contenus aux lectorats féminins. Il semble que de nombreuses brèches ébranlent le discours souvent monolithique en matière de lectures féminines. Ce discours et les stratégies qu'il implique évoluent en fonction des comportements des lectrices. Le livre perd progressivement son caractère moralisateur pour devenir plus souvent le compagnon du temps libre. La lecture n'est plus un simple antidote contre l'oisiveté mais le catalyseur de nouvelles activités: manuels épistolaires qui incitent à certaines formes d''ecriture, livres de cuisine, encyclopédies, presse spécialisée...




Nouvelles manières de lire

Après avoir appris à lire et à réfléchir sur des textes religieux, l'attitude du public féminin se modifie et les contenus mêmes de ces lectures se diversifient. Une curiosité se développe pour tout ce qui est événement actuel, sciences, réalité sociale. La plus grande diffusion de la presse lue en famille ou dans les cercles de lecture, l'essor de ce que l'on appelé «les romans du temps présent» en prise directe sur une certaine actualité favorisent ces nouveaux centres d'intérêt. L'acte de lire est influencé par cette diversité: à la lecture répétitive de textes identiques et consacrés se superpose et même parfois se substitue une lecture extensive. La lecture devient évasion, construction de soi, regard sur soi et sur les autres. La notion de lire pour le plaisir prend le pas sur celle de lire utile. C'est par la lecture que se matérialise un désir d'indépendance.

Dans La Puchera, l'initiation à la lecture est pour l'héroïne Inés un acte d'émancipation, une étape fondamentale dans l'autonomie physique et morale. Cette «révélation» intellectuelle s'accompagne d'une transformation physique:

Pero el hecho era, y hecho evidentísimo, que Inés, desde que estaba sujeta a aquellos deberes de educanda, iba transformándose a ojos vistas. Tres semanas después de haber comenzado sus lecciones, no la conocería el lector que la vio en la antevíspera de esos comienzos39.



Analphabète au départ, Inés finit par lire tous les ouvrages et romans auxquels elle a accès.

La lecture est aussi une expérience qui rapproche de soi: grâce à cette expérience intense et privilégiée, la lectrice accède à sa propre subjectivité. Cette transformation s'accompagne d'un rythme de la lecture. C'est ainsi qu'Ana Ozores, dans La Regenta, lorsqu'elle découvre les Confessions de saint Augustin, pénètre dans la lecture avec une passion qui transforme son rapport à l'acte de lire: «Ana leía con el alma agarrada a las letras [...]. Y lloró sobre las Confesiones de San Agustín, como en el seno de una madre. Su alma se hacía mujer en aquel momento»40. Plusieurs années plus tard, Ana retrouve ce bonheur de la lecture qui la révèle à elle-même et la sauve du désespoir. La découverte du texte, en l'occurrence un ouvrage de Sainte Thérèse d'Avila, l'ébranle profondément. Le rythme de la lecture est à l'image du bouleversement de son monde intérieur:

Ana hizo un nuevo ensayo y entonces encontró las letras firmes, quietas, compactas; el papel blanco ya no era un abismo sin fondo, sino tersa y consistente superficie. Leyó, leyó siempre que pudo41.



Dans la description de ces femmes lectrices ce qui frappe est le rapport entre lecture et corps. La lectrice lit avec son corps tout entier qui subit des transformations diverses: émotions, larmes, sourire, abandon physique comme dans le cas de la Marquise de Vegallana, doña Rufina, grande consommatrice de chroniques de voyages. Dans la quiétude et l'intimité d'une chambre à l'abri des intempéries mondaines et météorologiques, la marquise découvre d'autres mondes:

En su lecho blindado contra los más recios ataques del frío, disfrutaba deleites que ella no sabía explicar, leyendo, bien arropada, novelas de viaje al polo, de cazas de osos y otros que tenían su acción en Rusia o en la Alemania del norte por lo menos. El contraste del calorcillo y la inmovilidad que ella gozaba con los grandes fríos que habían de sufrir los héroes de sus libros, y con los largos paseos que se daban por el globo, era el mayor placer que gozaba al cabo del año doña Rufina42.



Cette consommation d'une littérature récréative, qui est en constante progression dans la deuxième moitié du siècle, est attestée par le nombre impressionnant de tirages et de rééditions d'œuvres romanesques à destination du public féminin. Les supports de cette production en hausse sont, comme cela a déjà été évoqué, les collections et bibliothèques pour femmes, mais aussi la presse sous toutes ses formes: illustrations, hebdomadaires, quotidiens et revues. Une presse qui finit par se spécialiser pour des lectorats féminins diversifiés. Citons à titre d'exemple La Semana Católica de Barcelona (1889-1902) dont la directrice Antonia Rodríguez de Ureta est un auteur à succès. Ses romans, cités en exemple dans les écoles, sont réédités de très nombreuses fois et mettent en scène des femmes lectrices, apprenantes et éducatrices.

C'est le cas d'autres revues comme El Correo de la Moda (1851-1883) destinée «à toutes les classes de la société» et qui offre une grande variété de textes: poésies, chroniques de voyages, rubriques spécialisées sur l'hygiène, la science et la mode sans oublier les recettes de cuisine, les jeux et la publicité, autant de types de lecture différents pour des lectrices plus exigeantes et curieuses qu'autrefois. Il s'agit de textes pour les femmes écrits par des femmes: Robustiana Armiño, Joaquina Balsameda, Adela Sánchez Cantos, Emilia Cati y Torres de Quintero. En général, cette presse reflète l'intérêt croissant des femmes pour tout ce qui est actuel. Plus éclectique et diversifiée, la lecture ne se fait plus seulement à haute voix autour d'un texte unique, sur la même trame d'une réflexion religieuse et morale.

Comme l'affirme le Semanario de las Familias (1882-1883), il faut trouver, pour ces lectorats émergents, un langage nouveau, leur permettre d'accéder au plaisir de la lecture: «Lejos enojosos tecnicismos [...]. Instrucción, mucha instrucción, lectura fácil, amena y continua [...]»43. La «bonne lecture» n'est désormais plus seulement le lieu d'une expérience morale, celle qui confirme les codes et usages en vigueur; elle devient le lieu d'une liberté, d'une individuation.








Bibliographie

  • Philippe Ariès, Georges Duby, Histoire de la vie privée. De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Éditions du Seuil, 1999.
  • Louis Bethleem, La littérature ennemie de la famille, Paris, Librairie Bloud et Gay, 1973.
  • Josep María Castellet, La hora del lector, Barcelone, Ediciones Península, 2001.
  • Antonio María Claret, A las doncellas. Avisos saludables que les dedica, Barcelone, Librería Religiosa, 1916.
  • ——, Avisos saludables a la familia cristiana, Barcelone, Librería Religiosa, 1859.
  • Monseñor Dupanloup, Cartas del Obispo de Orleáns a un miembro de la Academia de Santa Cruz sobre educación intelectual, Barcelone, Diario de Barcelona, 1871.
  • Antolín López Peláez, Los daños del libro, Barcelone, Gustavo Gili, 1905.
  • Alberto Manguel, Une histoire de la lecture, Paris, Actes Sud, 1998.
  • Miguel Maura, «La lectura», Revista Popular, 13 mai 1880, p. 329-331.
  • Jean-Yves Mollier, La lecture et ses publics à l'époque contemporaine. Essais d'histoire culturelle, Paris, PUF, 2001.
  • Cristina Patiño Eirín, «Lectoras en la obra de Pardo Bazán», Barcelone, Actes du colloque Lectora, heroína, autora (La mujer en la literatura española del siglo XIX), Barcelone, 23-25 octobre 2002. À paraître.
  • Joaquín Roca y Cornet, Manual de madres católicas, Barcelone, Imprenta de La Hormiga de Oro, 1896.
  • Faustina Saéz de Melgar, Manual de la joven adolescente o un libro para mis hijas, Barcelone, Librería de Juan y Antonio Bastinos, 1883.


 
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