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Les rêves des personnages féminins le recueil «La vida nueva» de Raúl Zurita: syncrétisme linguistique et misère sociale1

Benoît Santini


ATER (Université de Provence)

Résumé: Les trois poèmes «Dionisia Bravo», «La colombiana», «Julia Millacura», extraits du recueil La vida nueva du Chilien Raúl Zurita (1993), reproduction fidèle d'entretiens du poète avec les "poblaciones" des faubourgs de Santiago dans les années 1980, chantent le rôle social et politique de la femme, révèlent une véritable contamination et un syncrétisme linguistiques : sortes de poèmes en prose, ils introduisent un discours familier et une polyphonie, des images animistes et cosmogoniques récurrentes, reproduisant par là même le discours oral des populations chiliennes marginales, entre autre des Indiens mapuches. Les voix poétiques féminines insistent sur leur identité, leur cadre de vie et le syncrétisme religieux qu'elles ont adopté. Le poète se sert d'outils scripturaux et poétiques pour remettre en cause les injustices, mettre en avant le rôle des femmes dans la revendication d'une identité, et donner la parole à une population muselée.

Resumen: Los tres poemas «Dionisia Bravo», «La colombiana», «Julia Millacura», sacados del poemario La vida nueva del chileno Raúl Zurita (1993), fiel reproducción de entrevistas del poeta con las "poblaciones" de las afueras de Santiago en los años 80, cantan el papel social y político de la mujer : son especies de poema en prosa que revelan una verdadera contaminación y un sincretismo lingüísticos, al introducir un discurso familiar y una polifonía, imágenes animistas y cosmogónicas recurrentes, reproduciendo así el discurso oral de las poblaciones chilenas marginales, entre otras la de los indios mapuches. Las voces poéticas femeninas insisten en su identidad, su lugar de vida y el sincretismo religioso que han adoptado. El poeta se vale de herramientas escritúrales y poéticas para poner en tela de juicio las injusticias, subrayar el papel de las mujeres en la reivindicación de una identidad, y dar la palabra a una población forzada a callarse.

MOTS-CLES: RAÚL ZURITA, CHILI, POESIE, MAPUCHES, SYNCRETISME, ORALITE

PALABRAS CLAVE: RAÚL ZURITA, CHILE, POESÍA, MAPUCHES, SINCRETISMO, ORALIDAD







Raúl Zurita (1951) est un poète et auteur polygraphe. Après avoir suivi des études d'ingénieur à l'Université Federico Santa María de Valparaíso au Chili, il se lance dans l'écriture poétique au début des années 1970. Il publie dans la revue Manuscritos en 1974 son poème «Áreas verdes» qui figurera dans son premier recueil Purgatorio en 1979. En 1982, son 2eme recueil Anteparaíso connaît un vif succès; suivront son "opera magna" La vida nueva, comportant plus de 500 pages (sorte de Chant Général), puis une œuvre de circonstance, Poemas militantes (2000), Inri en 2003 puis Los países muertos (2006) et Las ciudades de agua, In memoriam (2007). Reconnu en tant que grand poète, il reçoit le Prix National de Littérature au Chili en 2000 et le Prix José Lezama Lima de Casa de las Americas en 2006. Il fait partie de la génération des poètes "néo-avant-gardistes" ou "postmodernes" qui désacralisent le discours poétique en utilisant un langage familier et en brisant la frontière entre les arts (par la présence des arts graphiques, par exemple). En ce sens, ils suivent les traces de Nicanor Parra, fondateur de l'antipoésie (1954).

De nombreux actes polémiques et poétiques ont défrayé la chronique et ont placé Raúl Zurita au sein des poètes novateurs: il se brûle la joue et s'injecte de l'ammoniaque dans les yeux en 1975 et 1980, au cours d'une période douloureuse de sa vie ; en outre, il écrit dans le ciel de New York en 1982 un poème destiné aux populations hispanophones pauvres des Etats-Unis, intitulé «La vida nueva» et dans le désert d'Atacama en 1993 des vers brefs «Ni pena ni miedo», («Ni peine ni peur»), refusant ainsi toute nouvelle agression endurée par le peuple chilien sous le régime autoritaire du Général Pinochet. Le poète manifeste donc des préoccupations sociales et politiques, et nous pouvons affirmer qu'il est engagé: il dénonce par le silence et l'implicite les horreurs et la barbarie du régime pinochetiste (1973-1990) et n'hésite pas à manier un discours polysémique; c'est pourquoi, dans son écriture poétique, la géographie du Chili est déformée, elle se trouve en perpétuel mouvement et apparaît comme un grand corps meurtri, crucifié et souffrant. D'ailleurs, les titres des recueils reprennent ceux de Dante dans la Divine Comédie (Le Paradis, Le Purgatoire) ainsi que des références bibliques explicites (Inri). Ainsi, Raúl Zurita se situe à mi-chemin entre tradition et rupture en réadaptant des références culturelles à la situation du Chili dans les années 1970 et 1980.

Les trois poèmes que nous avons choisi d'étudier sont extraits de la section «La vida nueva», issue du recueil éponyme, paru en 1994, et ils se suivent au cœur de la section dont il est question. Ce titre est révélateur d'un désir de renouveau pour le Chili, d'un véritable espoir que le poète expose dès 1982 dans le poème écrit en lettres de fumée dans le ciel new-yorkais. Chacun se compose d'une vingtaine de vers, dépourvus de rimes et comportant bon nombre d'enjambements. L'auteur crée un rythme fluide, imitant ainsi le débit oral des personnes qui lui ont narré les rêves qu'il reproduit dans cette section. Comme nous le préciserons, ces poèmes rompent avec les normes poétiques en se situant à mi-chemin entre langage oral et discours lyrique. Ils apparaissent, par conséquent, comme un témoignage onirique et Raúl Zurita montre à nouveau ses préoccupations sociales puisque, comme nous le verrons, les populations qui lui racontent leurs songes sont marginales et misérables.

Nous n'avons pas choisi par hasard ces trois poèmes intitulés «Dionisia Bravo», «La colombiana», «Julia Millacura»; ils entrent dans le cadre du thème de cet atelier s'intéressant au rôle social et politique de la femme, inspiratrice d'auteurs masculins, ainsi qu'aux phénomènes de contamination linguistique; nous avons décidé de fusionner ces deux objets d'étude en respectant une cohérence. En effet, les trois personnages qui donnent aux trois poèmes leur titre sont féminins, inspirent Raúl Zurita qui reproduit un discours oral en poésie, et ils dénoncent par l'implicite une situation sociale précaire (la vie dans les poblaciones des faubourgs de Santiago)2. En outre, l'une de ces voix poétiques est d'origine indienne modeste et elle reproduit un discours oral et un lexique mapuche: c'est en ce sens qu'une contamination linguistique se produit. C'est ce que nous allons voir dans notre étude intitulée «Les rêves des personnages féminins dans le recueil La vida nueva de Raúl Zurita: syncrétisme linguistique et misère sociale». Nous proposons pour commencer les trois poèmes en question:




Dionisia Bravo


Cuando llego a soñar siento como un bien; siento
como si me hubiera ido de esta mugre de ratoneras
y respirara purito, puro. Yo tengo mal de asma,
pero en el sueño se me va y no siento la mugrienta
del polvo. Vea, el campamento estaba entero
embanderado y eran miles de palomas volando. Yo le
decía allí a mi chamaquito que por qué mejor no me
llevaba al centro, al dáncin a lucirnos, pero él
estaba muy agrio, así muy enojado, sin hablarme.
Entonces yo me iba dentro del ruco y encendía
el fogón, pero era yo misma la que comenzaba a
quemarme y después estaba en el aire, igual que
las palomas, pero era humo. Dioni, me llamaba
entonces él, y me decía que era muy mala porque
siempre me iba con sus cosas a la parranda. Eso me
decía, y yo lo volvía a ver cada vez más serio,
mirándome con los tarcazos suyos tan enojados que
yo del puro susto me despertaba; y a veces, señorita,
cuando cierro los ojos y me duermo entre todos los que
se amontonan bajo estas pilchas, lo vuelvo a
ver así a mi chamaquito, tan enojado y con lloro.




La colombiana


Toda la noche sueño que lloran y lloran y que
no los puedo parar. Cuando he hecho callar
a uno el otro se larga de nuevo y todo vuelve
a empezar. De puro sufrir yo creo que lloran
tanto, hasta en el sueño yo los oigo y es
igual; duermen todos apretados y me matan de
cansancio, tienen hambre, pienso, o se los
estarán comiendo los animales. Me paso yo
también llorando en el día, y en el sueño
salgo de esta pocilga, me alejo por entre
este hervidero de casuchas y me voy y me voy
y llego a los cerros, a uno muy verde como
una visión. Pero allí siento de nuevo sus
lloros y me devuelvo corriendo, me caigo, me
rompo todo por las piedras y se me clavan las
espinas. Cuando llego al campamento no quedan
sino unos pedazos de papeles y cartones que
vuelan como si ya no hubiera nadie. Están
muertos, pienso; mis niños están muertos y es
mía la culpa. Es mía la culpa, grito, yo los
maté, yo los maté. Pero son tan buenos mis
hijitos que en el medio de mis gritos uno
se me acerca, con sus manitos me toma la
cabeza y me dice: "No Lleja, nunca vivimos
aquí", y sonriéndose, como si fuera un
angelito, llama a los otros y se me aparecen.




Julia Millacura


Yo creo en el sueño, señorita. A nadie yo le
cuento porque dicen que son cosas de india y se
burlan. Pero nosotros oramos todas las mañanas:
yo leo la Biblia, el Apocalipsis, los Números y
ahí estoy con Dios. Él dice que quien cree en
Él que se arrodille, en cualquier parte, donde
se encuentre y entonces Él se le va a comunicar.
Así uno piensa en Dios, andando, cocinando,
andando por ahí. Siempre pensando que Él vive
y que Por eso vivimos. Entonces uno sueña; Él
da un sueño como un aviso porque está escrito
que los viejos soñarán y los jóvenes verán
visiones. Yo soñé entonces que me estaban dando
un rezo en mapuche, eso era, era un viejito que
tenía una vestidura así, de antiguos, como mi
padre, pero con el pelo igual que una nieve y
me decía: "Así tenís que rezar en mapuche", y
luego me soñaba con trutrukas que tocaban y
era mucho el sonido mientras yo lo rezaba, muy
bonito. Mi papá siempre me iba a ver así a la
ciudad, en mis sueños. Pero el último que yo
soñé fue como más, como de terror, lo querían
enterrar vivo pero yo alcanzaba a sacarlo y ahí
me desperté recordándome que él no tiene flores
y que ya viene el mes de noviembre. Eso decía
el sueño, señorita; que hay que ponerle flores
al difunto porque Dios así lo manda:
"Flores en noviembre".3

Dans cette la section «La vida nueva», le poète chilien Raúl Zurita traite donc trois thèmes qui lui tiennent particulièrement à cœur: les femmes, leur rôle social et la misère des populations pauvres qui, pour leur majorité, sont d'origine mapuche. Ces trois thèmes ne sont pas anodins: en effet, nous pouvons affirmer tout d'abord que les femmes jouent un rôle prépondérant dans la vie du poète chilien: sa grand-mère italienne l'initie à la lecture de Dante qui sera repris en intertextualité dans les recueils de l'auteur, ses épouses et compagnes sont à ses côtés lors de moments importants de sa vie (Diamela Eltit l'accompagne dans les années 1970 lors de ses expériences douloureuses, il dédie son œuvre colossale La vida nueva à Amparo Mardones; Paulina Wendt, sa compagne actuelle, est enseignante-chercheuse). Ensuite, le rôle social de la femme est souligné par le créateur dans ses œuvres, puisque notamment dans son recueil Inri, une certaine Mireya traverse le désert, cueille des fleurs et semble symboliser le peuple chilien qui renaît de ses cendres après 16 ans de dictature et un redressement progressif à partir de la transition démocratique. Enfin, Raúl Zurita est touché par la population mapuche et ses conditions de vie4. Il déclare en effet:

Su destino está ligado al destino de esta nación y con ella a las denominaciones con que nombramos las cosas, con que percibimos un cambio atmosférico o los infinitos laberintos del agua de un río [...]. Sin embargo, herederos también de una vorágine que se viene arrastrando desde la conquista, pareciéramos condenados a ver en ellos al otro.5



En se servant de l'exemple d'une femme indienne mapuche, il veut en quelque sorte donner une légitimité à ce peuple et le considérer comme partie intégrante de la nation chilienne; il précise d'ailleurs dans une autre interview que «el pueblo mapuche, en su cosmovision, en su lenguaje y su concepción de la tierra y de la naturaleza, tiene tanto, tanto que enseñarnos»6.

Cet intérêt pour les femmes, leur rôle social, leur origine mais aussi leur discours est donc perceptible dans La vida nueva puisque, dans une interview à Juan Armando Epple, Raúl Zurita déclare au sujet de l'enregistrement d'entretiens avec des habitants des zones marginales des faubourgs Santiago:

Este trabajo está hecho, y de allí salieron diez sueños que constituyen el comienzo de un libro que no he publicado, y que se titula La vida nueva. Son diez sueños de pobladores del campamento "Silva Henriquez"7.



Parmi ces personnes, comme nous l'avons déjà précisé, des voix féminines s'élèvent; l'une est d'origine indienne, et toutes font part de leurs angoisses ainsi que de leurs préoccupations, dans des songes où prédominent la violence et la peur. Ces femmes seules, apparemment sans époux, jouent ainsi un vrai rôle social puisqu'elles exposent leur situation misérable dans les "poblaciones" de Santiago. Une véritable polyphonie se fait alors jour car

Comienza, entonces, el relato de los sueños de muchos de los pobladores; cada poema tiene el nombre de la persona que cuenta sus visiones oníricas, adquiriendo, así, voz por parte del hablante.8



Cette pluralité des voix poétiques sert au poète à briser le silence et à permettre à des populations marginalisées et trop souvent laissées pour compte, n'ayant pas le droit à la parole, de s'exprimer. C'est pourquoi ces femmes influencent la production poétique de Raúl Zurita qui se veut le messager de ces populations qui l'inspirent et l'incitent à évoquer des réalités sociales douloureuses. Il reproduit, par conséquent, leur discours oral, et c'est en ce sens que se produisent une véritable contamination linguistique de l'oral et de la langue mapuche sur le discours poétique véhiculé par Raúl Zurita, ainsi qu'un syncrétisme entre les deux formes de discours. L'auteur explique d'ailleurs:

Quería que este libro se abriera con una cierta dimensión colectiva [...]. Lo de los pobladores fue una pequeña intuición de lo que aparece en los sueños: la visión campesina, incluso en algunos casos mapuche.9



Nous avons choisi 3 textes parmi les 11 qui nous semblent représentatifs dans le sens où 3 femmes exposent leurs songes; en outre, à travers ces 3 textes, Raúl Zurita propose un triple enjeu: comment attribuer à la femme (entre autre à la femme mapuche) un rôle dans cette société, comment faire en sorte que les Mapuches soient considérés comme appartenant au peuple chilien, et comment donner sa place au syncrétisme linguistique? Nous tâcherons de répondre à ces questions en étudiant la contamination linguistique de la langue mapuche et orale au cœur des poèmes en prose composés par Raúl Zurita, influencé par sa présence dans les "poblaciones", la sensibilité féminine qui souligne une situation sociale précaire, une souffrance et un désarroi profonds, et enfin nous verrons comment l'auteur dénonce par le silence cette situation en question.


Contamination et syncrétisme linguistique

La contamination et le syncrétisme linguistiques sont perceptibles dans ces textes qui apparaissent comme des sortes de poèmes en prose (nous allons expliquer en quoi ils s'y apparentent). L'auteur lui-même expliquait dans une interview:

En esos sueños hay muchas imágenes de campo, recuerdos de cuando eran niños, visiones angustiosas, todo relacionado con su migración, con los lugares desde donde venían. De esos tomé nueve sueños, los transcribí y les di un lenguaje, pero esencialmente no modifiqué los contenidos, sino que traté de recrear en lo escrito un modo de hablar.10



Raúl Zurita insiste sur la fidélité qu'il a manifestée à l'égard des textes originaux. Ces retranscriptions graphiques de textes oraux prennent tout leur sens et notre auteur considère d'ailleurs la poésie comme partage, elle favorise une solidarité et une communion entre les peuples. Il privilégie les populations pauvres qui sont celles qui souffrent le plus de la marginalisation et retranscrit leur langage à travers des poèmes en prose11. Il les structure méticuleusement puisqu'il énonce les rêves des habitants des bidonvilles tel qu'ils les lui ont contés, c'est-à-dire dans un ordre bien établi, en respectant le style et le discours oral initial. Il mêle en outre une certaine rigueur et un développement logique de la pensée, tout en brisant la tradition poétique (rimes, vers et strophes, discours lyrique)12. C'est pourquoi une contamination des contes mapuches se propage dans le discours lyrique de Raúl Zurita en l'influençant. Ces témoignages poétiques s'apparentent en effet aux textes narratifs d'origine mapuche13.

La contamination et le syncrétisme linguistiques se manifestent aussi dans le discours familier, oral des Mapuches et par la polyphonie. En effet, l'aspect lyrique et les images présentes dans ces textes n'empêchent pas le surgissement d'un langage oral voire familier. Óscar Galindo Villarroel explique:

Quienes hablan son los propios personajes, cuyos nombres suelen titular cada uno de los sueños, y se dirigen a una figura femenina, la "señorita", que supuestamente realiza las entrevistas.14



Chez Raúl Zurita, lyrisme et familiarité font bon ménage et ne sont pas incompatibles, ce qui crée un mélange textuel assez révélateur15. En outre, il enrichit son discours lyrique en multipliant les voix poétiques car, comme nous l'avons précisé, chaque poème est pris en charge par une voix différente, qui apporte sa touche personnelle et son style particulier. Ainsi, il transforme son recueil en véritable «polyphonie textuelle» comme le souligne Óscar Galindo Villarroel16. Par exemple, Dionisia Bravo dans son songe utilise divers latino-américanismes17. Nous découvrons des termes comme «chamaquito» («mon gamin», v.7), «la parranda» («la fête», v.15), «estas pilchas» («ces nippes», v.20)18. Enfin, le mot «dáncin» qu'elle manie est d'origine anglo-saxonne et suggère l'influence de la culture nord-américaine sur ces populations, par le biais de la télévision, que les familles pauvres possèdent dans leur masure. Pour sa part, Julia Millacura, dont le nom de famille est typiquement mapuche (la désinence «-cura» signifie «pierre» dans cette langue) révèle son appartenance à cette ethnie («dicen que son cosas de india...Yo soñé entonces que me estaban dando un rezo en mapuche» - «on dit que ce sont des trucs d'indienne», v. 2, «J'ai rêvé alors qu'on me faisait une prière en mapuche», v. 14), et elle manie le voseo typique des pays andins («tenis que rezar en mapuche» - vous devez prier en mapuche, v. 18), puis emploie le mot «trutrukas»19. Ce mélange original entre deux types de discours équivaut à une hybridisation et, par cette retranscription des rêves mapuches, Raúl Zurita se fait à la fois rapporteur mais aussi dénonciateur20. Il mêle adroitement lyrisme et quotidienneté21. Ainsi, dans le poème «La colombiana», le discours poétique se mêle au discours familier (v.13-16):


Pero allí siento de nuevo sus
lloros y me devuelvo corriendo, me caigo, me
rompo todo por las piedras y se me clavan las
espinas22.

Le rythme et les mots brefs créent un dynamisme et imitent la fuite de la Colombienne dans son rêve; les chocs accentuels, les assonances en [o] et les allitérations en [s], [r], [c] instaurent une brutalité en accord avec la violence des images et les blessures que se fait la voix poétiques dans sa course effrénée. En outre, le poète lui donne une dimension sacrée car les épines rappellent la couronne du Christ: la femme semble souffrir pour tous les pécheurs et payer le prix des péchés commis. Un sentiment de culpabilité difficile à définir est omniprésent et se retrouve avec fréquence dans les poèmes de Zurita.

Au sein du même poème le discours se fait familier:


Cuando he hecho callar
a uno el otro se larga de nuevo y todo vuelve
a empezar. De puro sufrir yo creo que lloran
tanto, hasta en él sueño yo los oigo y es
igual


Lorsque j'en ai fait taire
un l'autre se met à gueuler de nouveau et tout
recommence. C'est à force de souffrir je crois qu'ils pleurent
autant, même dans le sommeil je les entends et c'est
pareil.23

L'expression «se larga» («il se remet à chialer») donne au texte un dynamisme (le verbe «largarse» signifie communément dans le langage courant «se barrer») intensifié par l'abondance de verbes de mouvement («tout recommence... je sors...je m'éloigne...et je m'en vais...j'arrive...»); ces déplacements représentent un combat contre la précarité, un souhait d'évolution sociale, une volonté d'échapper à la douleur quotidienne, exprimée par les verbes «chialer» et «pleurer». Le discours familier se met donc au service de la lutte sociale et évoque la rage de vaincre des populations touchées par le désespoir et l'isolement. En outre, ces verbes de mouvement symbolisent les déplacements de ces populations pauvres qui se voient contraintes de chercher de façon incessante des lieux où s'installer; la voix lyrique nous rappelle donc qu'elle fait partie de ces «pobladores» qui envahissent des terres pour y séjourner.

Les images récurrentes animistes et cosmogoniques, que les voix poétiques évoquent dans leurs songes, sont un autre aspect de cette contamination et de ce syncrétisme. Elles donnent aux textes en question toute leur poéticité, qui peut s'opposer au langage familier qu'ils contiennent mais qui en est aussi le corrélat voire le complément. Ainsi, Oscar Galindo Villarroel en fait la liste:

Una serie de ellos se caracterizan por la presencia de imágenes de la precariedad y la violencia («La vida nueva», «Alamiro Núñez»), otros por imágenes mortuorias («Jacinto Quezada», «La colombiana», «Julia Millacura», «Hermelindo Salvatierra»), y otros, finalmente, por imágenes espaciales: agua, tierra y aire («Carlos Cofluepán», «Dionisia Bravo», «Ziley Mora», «Mar de Plata»).24



Les voix poétiques insistent ainsi sur leurs conditions de vie misérables et leur situation de rejet et d'exclusion; cette souffrance est soulignée par la violence et la mort omniprésentes, et leurs traditions apparaissent par des images animistes dans lesquelles la nature et les éléments en mouvement semblent vivre, évoluer et mourir. En outre, certaines des voix féminines semblent évoquer leur propre vision du monde dans lequel elles vivent, par une sorte de cosmogonie onirique.

La première image est celle du feu. Elle sert à Dionisia Bravo à faire part de sa souffrance: elle commence par une évocation du «fogón» (v.ll), sorte de cheminée qui souligne les conditions sociales modestes de la famille; elle oppose ainsi la vie rurale («ruco... fogón», v.9 et 11, «cabane de carton et de plastique», «foyer») à la vie urbaine («centro de la ciudad» - centre ville, v.8) et ce foyer qu'elle allume devient brasier («c'était moi qui commençais à me consumer...», v.12). En fait, cette destruction par le feu rappelle les rites de purification de certaines populations, comme les Hindous, ou de certaines civilisations comme les Romains, mais aussi souligne le sentiment de fragilité de l'existence au sein des bidonvilles où la vie ne tient qu'à un fil. Enfin, le feu évoque le Phénix qui renaît de ses cendres: ainsi, Dionisia revient à la vie et espère de la sorte une régénérescence et une amélioration de ses conditions d'existence.

L'espace terrestre est, à son tour, fortement symbolique. Les collines qui représentent le cadre du rêve de La colombiana s'opposent à l'enfermement des masures des campamentos et à leur exiguïté. Elles symbolisent la liberté, l'espoir, intensifiés par la présence de la couleur verte («La colombiana»: «et j'arrive aux collines, à une qui est très verte», v.12).

Les colombes apparaissent dans le rêve de Dionisia Bravo, qui compare son envol à celui des colombes tout en l'opposant: en effet, sa vie n'est que fumée qui traverse le ciel, et cette couleur noire est le contraire du blanc des colombes. Elle semble souhaiter une existence de paix, de pureté au sein des «bidonvilles» et c'est ce que reflète son rêve où dominent les images de décomposition.




La sensibilité féminine des voix poétiques

Les voix lyriques des trois poèmes choisis énoncent une situation sociale empreinte de souffrance et de désarroi. Le thème de l'identité est ainsi fortement présent: nous découvrons dans ces textes une véritable forme de revendication identitaire et d'appartenance à une communauté25. Tout d'abord, Julia Millacura n'hésite pas à reconnaître que dans son rêve on lui faisait «une prière en mapuche» (au vers 13), ce qui sous-entend une appartenance à cette communauté et une bonne connaissance de la langue indigène. Elle exprime également le mépris de ceux qui ne croient pas aux «trucs d'indiennes» (v.2) et qui ne possèdent pas la même sensibilité qu'elle. Ensuite, une autre de ces femmes se fait appeler «La colombiana» et montre sa fierté d'appartenir à un pays en particulier; ce surnom met en relief aussi une perte d'identité (cette personne n'a pas de nom ni de prénom) et un exil, un déracinement (que fait cette Colombienne dans les «campamentos» du Chili?)26 La difficulté d'intégration, la misère sociale sont ainsi mises en exergue par Julia et sa comparse qui malgré tout révèlent un grand courage et une ténacité dans leur lutte quotidienne pour la reconnaissance sociale.

L'importance des rejets et enjambements met en exergue des mots clés, qui souligne cette sensibilité féminine. Si ces poèmes dépourvus de rimes mêlent adroitement langage familier et lyrisme, il n'en demeure pas moins que Raúl Zurita ne néglige rien et place en fin de vers des mots clés dont le sens acquiert toute son importance. Le verbe «comunicar» (vers 7 du poème «Julia Millacura») souligne, l'importance du dialogue et de l'échange oral dans nos sociétés où ce dernier à tendance à se perdre. Les vocables «ratoneras» («masures», v.2), «asma» («asthme», v.3), «[el] lloro» («les pleurs», v. 21) et «la mugrienta» (la saleté», v.4) insistent sur les conditions déplorables d'existence des «pobladores» (poème «Dionisia Bravo»). Ces poèmes donnent l'illusion d'une absence de structure rigoureuse, néanmoins ils sont loin d'être anarchiques et notre auteur organise ses compositions savamment, afin que le message qu'il transmet atteigne son objectif.

Les trois voix poétiques féminines n'omettent pas d'insister sur les lieux de vie des «pobladores» et leurs activités. Elles font ainsi allusion aux conditions précaires dans lesquelles vivent les «pobladores», groupe dont elles font partie27. Ainsi, Dionisia Bravo mentionne «el campamento» (le bidonville, v.2), «el polvo» (la poussière, v.4), «la mugre de ratoneras» (la saleté des masures, v.5), et explique que les populations «se amontonan bajo estas pilchas» (s'entassent sous ces nippes, v.20). Quant à La colombiana, elle n'hésite pas à reconnaître qu'elle vit dans «esta pocilga» (cette porcherie, v.10), «este hervidero de casuchas» (cette fourmilière de baraques, v.l 1). Par l'intermédiaire du démonstratif «este», qui en espagnol évoque le plan du moi, c'est-à-dire le lieu où se situe le locuteur, les voix féminines de «La vida nueva» désignent leur espace où la misère est à portée de main. Quant à leurs activités, elles sont modestes et se limitent aux tâches ménagères: Julia utilise le verbe «cocinar» qui renvoie aux activités classiques d'une femme au foyer; de façon sous-jacente, l'auteur explique que les femmes des bidonvilles ne travaillent pas et restent chez elles. Leur rôle social est essentiellement familial, elles conservent la tradition mais sont néanmoins dotées d'une capacité de réflexion et d'analyse critique de la situation précaire dans laquelle elles vivent. Pour elles, la famille garde toute son importance et ces femmes ont conservé de vraies valeurs; ainsi, chacune fait référence à sa généalogie, comme Dionisia qui parle de son fils, tendrement surnommé «mi chamaquito» («mon gamin», v.7), et des conflits qui les opposent dans le rêve qu'elle relate. La colombiana manifeste son amour envers ses enfants qu'elle ne parvient pas à rassurer et consoler, et qui souffrent de leur vie misérable dans ces lieux insalubres. Enfin, Julia se rappelle son père et son enfance avec une certaine nostalgie. Ces témoignages oraux inspirent donc Raúl Zurita qui, en les retranscrivant, veut permettre une conservation de la mémoire collective et des valeurs véhiculées par les couches sociales pauvres.

Le syncrétisme religieux de ces trois voix révèle la revendication d'un hybridisme. La contamination n'est donc pas que linguistique, elle est également religieuse. En effet, Julia révèle un syncrétisme religieux qui nous confirme son origine indienne et la revendication d'une identité. Ainsi, elle fait allusion à «une prière en mapuche» et ajoute que son père «n'a pas de fleurs et le mois de novembre arrive». Elle explique aussi: «je lis la Bible, l'Apocalypse, les Nombres»28. L'Indienne apparaît comme une pratiquante qui domine deux religions et qui possède une certaine culture puisqu'elle est capable de lire des textes bibliques. Son souci de conserver une tradition et un lien avec la mort est émouvant. Quant à La colombiana, de tradition catholique, elle nous fait part de son rêve dans lequel apparaît «un petit ange», et où «des épines se plantent dans [sa] chair». La référence à la couronne d'épines et la crucifixion du Christ semble évidente et nous pouvons nous demander si la souffrance de cette femme n'est pas destinée à la rédemption des pécheurs pour lesquels elle endure des tourments.




La dénonciation par le silence

Ces trois voix poétiques mènent une vie misérable due, en partie, à leur origine ethnique. L'auteur choisit de rapporter les rêves de ces femmes d'origine modeste afin de dénoncer implicitement une situation réelle (vie dans les bidonvilles, mise à l'écart de la société, difficulté d'intégration, revendication d'une identité sociale, ethnique et religieuse). Il s'approprie le discours féminin avec tendresse, compassion et complicité. Cette souffrance et ces images de douleur suggèrent un véritable mal-être des populations vivant dans ces quartiers pauvres. S'ajoute à cela l'appartenance de Julia à une communauté indienne mal acceptée par le régime autoritaire. En effet, si sous la présidence de Salvador Allende, une politique d'insertion indigène avait été menée à bien, elle fut détruite sous le régime pinochetiste dès 197329.

La destruction et la dégradation vont dans le sens de cette dénonciation. Les images déjà énoncées, à savoir le feu et le mouvement, ont pour objectif essentiel la dénonciation par la suggestion (exil des populations contraintes de se mouvoir sans cesse, souffrance d'un abandon des Gouvernements...); la destruction («je me brise tout entière...» au vers 14 de «La colombiana», «la crasse», «me brûler», aux vers 2 et 12 du poème «Dionisia Bravo», «l'enterrer» au vers 23 de «Julia Millacura») évoque de façon subreptice une vie faite de précarité, de péril et de fragilité. En effet, cette invasion de terrains est aléatoire et les populations qui la mettent en œuvre manquent cruellement d'une hygiène et d'une sécurité de base. C'est d'ailleurs ce que Raúl Zurita explique dans une interview à Juan Andrés Pina lorsqu'il dit que «el año 1983 hubo una gran toma que después se convirtió en este campamento»30. A travers une vision presque fantastique de la réalité, le poète dénonce néanmoins une situation sociale qui touche le Chili et qu'il juge inacceptable. Il mêle ainsi avec habileté l'onirisme et la réalité de son pays.








Conclusion

Ces poèmes donnent finalement la parole à des peuples laissés pour compte, à des femmes souvent brimées, et c'est pourquoi l'affirmation suivante de Raúl Zurita prend tout son sens:

La poesía es el arte más frágil porque depende de las palabras y las palabras naufragan en este universo ruidoso. Pero al mismo tiempo es probablemente el arte más poderoso, porque lo único que hace es recoger la profunda nostalgia de la conversación, de la comunicación que se pierde.31



La retranscription de ces témoignages oraux sert, en fin de compte, à faire survivre la langue, à donner leur place à des groupes sociaux brimés et à permettre à des femmes d'évoquer des réalités et une sensibilité trop longtemps tues et voilées en raison de leur condition sociale. Raúl Zurita souhaite donner la parole à des femmes trop souvent oubliées des sociétés à dominante masculine, à des groupes sociaux misérables, abandonnés par les sociétés, et dans certains cas à des populations indiennes malmenées par le régime autoritaire; il parvient au fil de ces trois poèmes à prouver le rôle social et politique de ces femmes appartenant au phénomène des «pobladores»: leur dénonciation se fait par le biais d'un véritable syncrétisme tant linguistique que religieux et une contamination se produit par conséquent dans leur énonciation. La langue mapuche, transmise essentiellement au Chili par les domestiques, est un substrat linguistique qui influence le rythme de la langue espagnole chilienne; le poète souhaite donc donner un rôle à cette langue souvent jugée marginale32. Par conséquent, ces trois poèmes prouvent le souhait de notre artiste d'instaurer une justice et une égalité sociales, car il se présente comme le porte-parole des marginaux. Son écriture sobre donne au discours lyrique toute sa force, sa richesse, et sa polysémie. C'est en fin de compte ce mélange harmonieux entre simplicité et poéticité du discours qui permet aux femmes de la section «La vida nueva» d'énoncer leurs tourments et leurs revendications.




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