Selecciona una palabra y presiona la tecla d para obtener su definición.
Indice
Abajo

Une éphémère revue afrancesada: «El Imparcial» de Pedro Estala (mars-août 1809)

Gérard Dufour




ArribaAbajoIntroduction

Le 18 juillet 1811, lors de la discussion des mesures proposées aux Cortès de Cadix par le «ministro del Consejo Real» Justo María Ibarnavarro à l’encontre de ceux qui se rendaient coupables d’infidencia en servant le Roi intrus, le député Capmany (l’auteur du fameux ouvrage Centinela contra franceses) déclara sans ambages:

«Entre las varias clases de infidentes, me parece que faltan en ese reglamento uno o dos de los más esenciales. Nada se habla en él de los escritores públicos, como periodistas, gaceteros, et. Que son los que más daño hacen a la Patria. Estos sirven voluntariamente al rey intruso, y hacen con sus escritos un mal el más terrible [sic] que no sólo es del día y de este lugar, sino que se propaga a todas las provincias, y se transmite a la posteridad con ignominia nuestra. De éstos, nada se habla y son los que menos disculpa tienen. Porque el enemigo puede obligar a uno a ponerse el fusil al hombro; pero no le obligará a tomar la pluma».1



De fait, pendant la Guerre d’Indépendance, les partisans de la nouvelle dynastie (comme ils se désignaient eux-mêmes) eurent tôt fait de comprendre qu’ils ne pourraient vaincre sans convaincre. Sans création de ministère de la communication, la propagande fut au centre de la politique qui visait à faire de Joseph I le vrai souverain de l’Espagne, et tout naturellement, les publications périodiques y tinrent un rôle prépondérant: ce n’était pas pour rien que, dans la Constitution de Bayonne approuvée le 6 juin 1808, elles avaient été exclues des dispositions en matière de liberté de la presse (lato sensu, c’est-à-dire, le droit d’imprimer sans censure préalable).2 Ainsi, après l’avoir emporté sur les guerrillas, des militaires espagnols et français au service du Roi Intrus se préoccupèrent de consolider leurs positions en se gagnant l’opinion publique au moyen des journaux: le colonel Francisco Amorós, Commissaire du Roi, après de réels succès en Cantabrie sur ceux qu’il appelait les «brigands», prit-il la peine d’organiser la publication de la Gazeta de Santander pour en faire un instrument au service du gouvernement de Madrid.3 Quant au général Thibault, il nous apprend dans ses mémoires que, dans des conditions semblables, et pour les mêmes motifs, il avait envisagé de créer à Burgos un journal dont il aurait confié la direction aux chanoines de la cathédrale.4 En fait, l’exemple venait de haut, puisque c’est Napoléon lui-même, qui, le 10 décembre 1808, au camp de Chamartín, décida que la Gaceta de Madrid (qui paraissait jusque-là les mardi et vendredi seulement) serait désormais quotidienne et surtout, qu’elle serait placée sous le contrôle de son homme de confiance, l’ambassadeur Laforest.5 Et si Joseph, à peine réinstallé sur son trône, avait manifesté son indépendance en décrétant que ce serait son ministre de la Police, et non le représentant de son frère, qui aurait la responsabilité de la Gaceta de Madrid, même lorsqu’il fut rentré en France,6 l’Empereur continua à se soucier du bon usage que son frère devait faire de la presse, le tançant vertement parce que la Gaceta de Madrid avait laissé percer de l’admiration envers les défenseurs de Saragosse,7 et lui enjoignant de ne pas tolérer dans son royaume la diffusion d’un périodique rédigé en français et rédigé par «des intrigants»: Le Courrier d’Espagne. De peur que Joseph, faisant preuve d’un libéralisme qu’il jugeait outrancier, ne fit la source oreille à sa recommandation, l’Empereur adressa à son ministre de la Guerre, le général Clarke, la note suivante qui en dit long sur la surveillance qu’il exerçait personnellement sur la presse dans le royaume qu’il avait donné à son frère et la façon dont il respectait l’indépendance d’un état théoriquement souverain et allié:

«Monsieur le général Clarke, il paraît à Madrid un Courrier d’Espagne rédigé par des intrigants, et qui peut être du plus mauvais effet. Ecrivez au maréchal Jourdan pour qu’il n’y ait plus aucun journal français en Espagne et qu’on ait à supprimer celui-là. Mon intention est de ne souffrir, partout où sont mes troupes, aucun journal français, à moins qu’il ne soit publié par mes ordres. D’ailleurs les Français ne reçoivent-ils pas les Gazettes de France? Quant aux Espagnols, on doit leur parler leur langue. Il faut que votre lettre à ce sujet soit un ordre positif».8



Suivant en cela comme pour le reste les vues de l’Empereur, les afrancesados ne manquèrent pas de s’adresser en espagnol à leurs compatriotes et firent de la presse une véritable arme de guerre. Or, malgré le rôle capital qu’elle joua dans la stratégie des joséphins, la presse afrancesada (par ailleurs, excellemment étudiée pour ce qui concerne sa seconde période d’existence, pendant le Trienio Liberal9) n’a pas fait l’objet de l’étude d’ensemble qu’elle mérite, même dans l’excellent travail de Juan López Tobar, l’ouvrage le plus complet que l’on possède sur les Afrancesados.10 Pour apporter quelques éléments à cette étude qu’il faudra bien réaliser un jour, l’Argonauta español a déjà publié, dans les livraisons précédentes, deux articles sur ce sujet. Dans le premier, nous montrions comment les Français s’étaient emparés du contrôle de la Gaceta de Madrid avant même que les souverains espagnols aient renoncé à leur trône en faveur de Napoléon.11 Dans le second, Emilio Luis Lara López et María José Martínez avaient analysé un périodique de province, El Correo de Jaén.12 Aujourd’hui, nous voulons présenter une autre tentative (vite abandonnée) de propagande en faveur de Joseph I et de sa politique au moyen d’une publication périodique: El Imparcial que lança Pedro Estala en mars 1809.






ArribaAbajoUn ralliement des plus appréciables

Ancien membre de la congrégation des écoles pies (escolapio) sécularisé, Pedro Estala qui, naguère avait été l’un des piliers de la politique culturelle du Prince de la Paix, était alors à 52 ans chanoine de Tolède et bibliothécaire de l’Institut de San Isidro de Madrid. En fait, sa véritable vocation était sans doute plus d’ordre littéraire que religieux et il s’était consacré à la traduction de tragédies de Sophocle et d’Aristote et à l’édition de l’œuvre poétique de Lupercio Leonardo de Agensola et de Francisco de Figueroa, ainsi que d’une compilation de récits de voyages de l’époque classique et moderne.13 Avant même les événements de 1808, il avait mis sa plume au service du pouvoir en faisant paraître à Cadix en 1805 (l’année de Trafalgar) Quatro cartas de un español a un anglomano en que se manifiesta la perfidia del gobierno de la Inglaterra perniciosa al género humano, potencias europeas y particularmente España.14 En 1809, l’ouvrage n’avait rien perdu de son actualité et il le réédita, cette fois à Madrid.

Quand Joseph I, à la suite de la bataille de Bailén, fut contraint d’abandonner sa capitale et de faire retraite, d’abord sur Burgos, puis Victoria, Pedro Estala fut des rares (avec Leandro Fernández de Moratín) qui manifestèrent leur attachement au nouveau souverain en l’accompagnant dans sa fuite.15 Quand Napoléon replaça son frère sur le trône d’Espagne, il ne fut pas de ceux qui virent leur fidélité récompensée par une nomination au Conseil d’Etat ou à quelque poste important de l’administration. Il fut même discret dans la manifestation de son afrancesamiento puisque ce n’est qu’à l’occasion du compte rendu de la réception par Joseph I de délégation du chapitre de la cathédrale de Tolède qui, sous la houlette de Juan Antonio Llorente, vint lui présenter ses hommages le 5 février 1809 que l’on trouve pour la première fois mentionné le nom de Pedro Estala dans la Gaceta de Madrid.16

En assumant la responsabilité de la rédaction d’un périodique né sous les auspices du gouvernement joséphin, Pedro Estala jetait (politiquement parlant) sa soutane par dessus les moulins. Son engagement était particulièrement appréciable pour Joseph I et son gouvernement qui plaçaient beaucoup d’espoir dans le soutien public que leur apportaient des membres éminents du clergé et ne pouvaient que se réjouir de voir un chanoine de Tolède suivre les traces de son collègue Juan Antonio Llorente. En outre, ses talents et connaissances en matière de belles lettres n’étaient nullement à dédaigner: avec Fernández de Moratín et Meléndez Valdés, afrancesados de la première heure, c’était l’élite littéraire de la nation qui se trouvait désormais au service de Joseph I.

Le Souverain lui témoigna sa gratitude en le comprenant dans la promotion de chevaliers de l’Ordre Royal d’Espagne qui fut publiée le 27 octobre 1809 (la première après que l’Ordre ait cessé d’être exclusivement militaire). Il s’y trouvait, entre autres, en compagnie de Juan Antonio Llorente, Leandro Fernández de Moratín, Estanislao de Lugo, Antonio Melón et du général Hugo.17

Pour le comte de La Forest, ambassadeur de France à Madrid pendant le règne de Joseph I et sans doute l’observateur le plus avisé de la cour du frère de l’Empereur, le chanoine Pedro Estala était «peut-être la meilleure plume et l’esprit le plus au niveau du temps que le gouvernement royal ait [eu] sous la main». Aussi fut-il prié de suivre le frère de l’Empereur dans sa campagne d’Andalousie: disposant d’une presse mobile, il était chargé de rédiger, dans le ton qui convenait, les proclamations et autres écrits de propagande18 destinés à transformer la victoire des armes en succès politique. Il collaborait aussi à la Gaceta de Madrid, à laquelle il fournit, par exemple, une prétendue correspondance d’un insurgé repenti à un de ses anciens camarades.19

Pedro Estala s’imposa rapidement comme l’une des personnalités les plus qualifiées parmi les partisans de Joseph I en matière de culture et d’instruction. Aussi ne s’étonnera-t-on pas de le voir figurer (avec Leandro Fernández de Moratín, Juan Meléndez Valdés, Vicente González Arnao, Josef Antonio Conde, Tomás García Suelto et Ramón Moreno) parmi les membres de la commission créée par décret du 31 décembre 1810 pour examiner les œuvres dramatiques qui devaient composer le répertoire national.20 Tout aussi logiquement, il fut également désigné pour siéger, aux côtés de Meléndez Valdés, Juan de Peñalver, Josef Varga y Ponce, Juan Andujar, Francisco Marina, Manuel Narganes y Posada, Martín Fernández de Navarrete, Josef Antonio Conde, et Josef Marchena à la Commission d’instruction publique qui fut créée un mois plus tard.21

Pour se cantonner officiellement au domaine culturel et éducatif, Pedro Estala n’en apparaissait pas moins comme un suppôt de Joseph I et la révélation de son appartenance à la franc-maçonnerie bonapartiste dans le Diccionario razonado manual… du chanoine Ayala et le Diccionario crítico burlesco… de Gallardo publiés à Cadix en 1811 ne fut certainement pas de nature à calmer les ressentiments de ses compatriotes à son encontre.22 Quand les troupes françaises, à la suite de leur défaite à Vitoria, durent abandonner l’Espagne, Pedro Estala ne put que monter dans leurs fourgons pour se réfugier en France où il s’installa à Auch.23

En fait, Pedro Estala n’aurait pu agir différemment puisque la Junta Central, par un décret signé par son président le marquis d’Astorga à l’Alcazar de Séville le 2 mai 1809 l’avait mis au rang des individus notoirement coupables de haute trahison, dont les biens devaient être saisis et qui devaient être appréhendés pour être remis au Tribunal de Sécurité Publique qui prononcerait à leur encontre la peine qu’ils méritaient (c’est-à-dire, le châtiment suprême).24 La Junta Central avait donc considéré que Pedro Estala était l’un des 26 afrancesados les plus coupables, au même titre que les ministres de Joseph et que ceux qui menaient le plus durement la répression contre leurs compatriotes, le responsable de la police, Arribas ou le Commissaire du Roi Francisco Amorós. Or, ce ne pouvait être le fait d’avoir suivi le roi intrus dans sa retraite sur Vitoria en juillet 1808 qui justifiait à lui seul une telle sévérité puisque la moitié seulement de ceux qui avaient accompagné le nouveau souverain dans sa retraite furent compris dans la liste des coupables de haute trahison qui devaient pour cela subir le châtiment suprême.25 En fait, en mai 1809, le seul crime que la Junta Central pouvait reprocher à Pedro Estala, c’était de faire paraître El Imparcial. Sa plume était jugée aussi dangereuse pour la nation que le sabre d’Amorós ou les argousins d’Arribas. Un bel hommage à son talent et au rôle de la presse dans la Guerre d’Indépendance.




ArribaL'annonce dans la «Gaceta de Madrid»

Pedro Estala fit parvenir le prospectus de son futur périodique à la Gaceta de Madrid, et son rédacteur, don Juan Andujar (dont l’appartenance à la francmaçonnerie sera elle aussi dénoncée dans quelque brochure publiée à Cadix26) lui fit le meilleur accueil puisqu’il ne consacra pas moins d’une page et demie de l’édition du mardi 21 mars 1809 à la présentation et la reproduction in extenso du texte qui lui avait été adressé.27

Comme on peut le constater en lisant le texte de la Gaceta de Madrid reproduit ci-dessus, Andujar, dans sa présentation du prospectus de Pedro Estala ne s’était pas montré avare de compliments à l’égard de son collègue et il est certain que la notoriété du rédacteur de El Imparcial dans la République des lettres était un excellent argument pour convaincre les amateurs de littérature de souscrire au nouveau périodique.

Pour sa part, Pedro Estala annonçait d’emblée la couleur et faisait du prospectus de El Imparcial un plaidoyer en faveur de Joseph I. Sa condition de chanoine et de bibliothécaire des Reales Estudios de San Isidro (qualités qu’avait opportunément rappelées Andujar dans le chapeau du texte), donnait tout son poids à l’affirmation selon laquelle c’était la Providence elle-même qui avait donné à l’Espagne un régime constitutionnel. L’argument n’était pas nouveau, puisqu’il avait été développé en 1808 par Torres Amat,28 l’évêque de Guadix29 et même le Conseil Suprême de l’Inquisition30 et avait été repris au début de l’année 1809 par les évêques de Zamora31 et de Salamanque32 auxquels se joindrait bientôt l’évêque auxiliaire de Saragosse, le P. Miguel de Santander.33 Mais les autorités afrancesadas accordaient la plus grande importance à ce type de déclarations théologiques qui faisaient pièce (du moins le pensaient-elles) aux appels à la Croisade lancés par une autre partie du clergé contre les hérétiques qu’étaient les Français et leurs séides. En outre, la référence à la Providence permettait à Estala de suggérer qu’il n’y avait aucune antinomie entre religion et progrès de la raison. Sans s’y référer explicitement, il faisait clairement allusion à la suppression de l’Inquisition et aux bienfaits que l’on pouvait attendre d’une telle mesure. Nous n’oserons pas affirmer que Pedro Estala fut le premier à utiliser l’abolition du Saint Office pour chanter (quelque peu abusivement) les louanges de Joseph I, mais il fut assurément l’un des premiers à utiliser cet argument qui fit florès chez les afrancesados, notamment dans la Memoria sobre cuál ha sido la opinión pública de España acerca del tribunal de la Inquisición lue à l’Académie Royale de l’Histoire en 1810 et publiée en 181234 ou dans ses Anales de la Inquisición dont le premier tome vit le jour en 1812.35

L’esprit de El Imparcial ayant été ainsi défini, le passage (par ailleurs de rigueur) sur l’objectivité de son auteur pouvait apparaître comme des «paroles verbales» comme on dit au Canard enchaîné. Plus intéressante pour l’éventuel souscripteur était la description des trois rubriques qui composeraient la revue.

Avec une partie consacrée à la politique étrangère, l’autre à la publication des décrets et dispositions prises par le gouvernement et la dernière de littérature, Pedro Estala entendait en fait proposer à ses lecteurs un compromis entre la Gaceta de Madrid et ce qui avait été naguère le Memorial literario. Le seul point où il se distinguait (légèrement) de la Gaceta de Madrid dans la première partie, c’était en déclarant que El Imparcial ne s’intéresserait qu’aux événements politiques étrangers ayant directement rapport avec l’Espagne. Par tradition, la Gaceta de Madrid faisait part dans ses premières pages de toutes les informations reçues des cours étrangères, ce qui pouvait effectivement laisser parfois indifférent le lecteur espagnol. Mais à vrai dire, depuis 1808, il y avait peu d’événements en Europe qui, d’une façon ou d’une autre, n’étaient pas susceptible d’influer sur la situation espagnole. En fait, c’était pour Pedro Estala une manière de faire comprendre qu’il traiterait exclusivement de politique intérieure, les nouvelles de l’étranger ne servant que de prétexte à faire connaître l’opinion du pouvoir. Et comme la partie littéraire serait traitée dans le même esprit, les lecteurs étaient parfaitement prévenus: ils trouveraient dans El Imparcial un journal doublement officiel: d’abord, par les textes réglementaires qu’il publierait, ensuite (on serait tenté de dire, et surtout) par ses commentaires.

Venaient enfin les précisions nécessaires pour ceux qui désireraient acquérir le nouveau périodique qui serait publié au rythme de deux numéros par semaine, le mardi et le vendredi. Mieux que le Memorial literario d’antan qui n’était que mensuel, aussi bien que la Gaceta de Madrid d’avant les événements de 1808 qui, elle, paraissait les mardi et vendredi de chaque semaine. On pouvait y souscrire au bureau principal du Diario de Madrid, rue de San Gerónimo, une adresse que les madrilènes connaissaient bien puisqu’ils s’y précipitaient dès qu’ils avaient à faire publier quelque annonce, ou pour l’acheter au numéro. Pedro Estala précisait enfin les prix de vente: 100 réaux pour un abonnement de six mois, 56 pour un semestre, 30 pour trois mois et pour un seul numéro, cinq cuartos, soit un peu moins d’un demi-réal, puisque le réal correspondait à 34 maravédis et le cuarto à cinq maravédis seulement.

C’était assez cher pour un périodique qui ne comptait que deux livraisons par semaine: l’abonnement à la Gaceta de Madrid, qui elle était alors quotidienne, ne coûtait, pour la capitale, que 180 réaux par an, 90 pour six mois,36 et dans l’autre Espagne, celle qui n’était pas sous domination française, on souscrivait à la Gaceta ministerial de Sevilla (elle aussi quotidienne) pour 24 réaux pour une durée de quatre mois pour un abonnement à Séville même (soit 72 réaux par an).37 Certes ces journaux ne comportaient généralement que quatre pages, alors que El Imparcial promettait à ses lecteurs de consacrer au moins une feuille d’imprimerie entière (soit quatre pages également) par numéro à la seule littérature, et le volume prévu pouvait expliquer le coût relativement élevé du périodique. Mais surtout, quiconque savait faire une simple multiplication pouvait constater que le service rendu par l’abonnement (la livraison à domicile) était chèrement facturé puisqu’en achetant les exemplaires au numéro, il n’aurait payé qu’un peu plus de 14 réaux au bout d’un trimestre, de 28 réaux au bout du semestre et de 61 réaux à la fin de l’année, sans parler du fait qu’il n’aurait pas à faire d’avance de trésorerie. Ce n’était assurément pas la meilleure manière de convaincre la clientèle de souscrire à El Imparcial, et donc de la fidéliser. Pedro Estala commettait en la circonstance la même erreur que jadis Nipho (le premier en Espagne à avoir proposé à ses lecteurs le système de l’abonnement). Cette erreur de marketing (comme on dirait de nos jours) explique sans doute (en partie du moins) l’échec de l’entreprise.

On notera enfin que El Imparcial visait exclusivement un public madrilène puisque, contrairement à tous les usages, il n’était indiqué qu’un seul prix sans faire de distinction entre Madrid et le reste du royaume où le prix de l’abonnement était évidemment plus élevé en raison des coûts de transport (180 réaux pour un an à Madrid pour la Gaceta…, 320 en province; 24 réaux pour quatre mois pour la Gaceta ministerial livrée à Séville, 36 hors de la ville). Certes, comment Pedro Estala aurait-il pu prétendre que l’on trouverait El Imparcial dans tous les points de vente où était naguère déposé le Diario de Madrid, ou qu’il serait livré dans tous les points du territoire? Il n’en demeure pas moins qu’au moment où ce nouveau périodique prétendait convaincre l’ensemble des Espagnols des bienfaits que leur apportait le régime constitutionnel de Joseph I, la limitation de la distribution de El Imparcial à la seule capitale était un aveu que, même là où les troupes françaises étaient maîtres du terrain, beaucoup restaient encore à convaincre.





 
Indice