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ArribaAbajo Cantique des cantiques

Carlos de Soussens


A Lily de C.



AbajoPour t'avoir délirante et nue entre mes bras,
par un printemps d'extase et sous un ciel de gloire,
prés d'un lac que la lune argente et le vent moire,
je veux, Prince et Poète, ouvrir mes Alhambras,

mes Alhambras de rêve où les joyaux fleurissent  5
des mots étincelants qui disent comme l'or:
-Je t'aime!... et te désire, et te désire encor
a moins qu'au firmament les soleils ne périssent!

Tes cheveux ont l'odeur et la couleur du miel.
Ils couronnent un front d'impératrice fée,  10
en boucles sur tes reins, une fois décoiffée,
ils semblent le manteau d'un nouvel astre au ciel.

Je crois voir l'Océan des antiques sirènes
dans tes yeux où l'azur dans le glauque se fond,
et des siècles passés j'entends le cri profond  15
au nombre t'acclamer des beautés suzeraines.

L'arc divin qu'à ta lèvre oublia Cupidon
s'est trempé dans le sang des blessures des roses,
ses flèches, d'un subtil philtre tu les arrosés
et leur pointe brûlante ignore le pardon.  20
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L'ivoire de ta gorge a des iris de nacre
quand ton collier y joue en somptueux dessins.
L'auguste gonflement de tes rigides seins
promet deux globes lourds au roi qui les consacre.

Est-ce un rubis qui tremble a leur sommet neigeux?  25
Dans un champ de jasmins une fleur grenadine?
O printanier bouton de cette chair divine,
comme tu fais frémir tout mon être orageux!

De Vénus de Milo le vrai geste olympique,
ton bras marmoréen triomphal nous le rend.  30
Ta gauche a peur du vol de mon baiser errant
et ta droite a mes doigts dispute ta tunique.

Ah, oui! Laisse la choir pour moi seul, ébloui!
Bénissant à genoux les colonnes du Temple,
comme un nouveau Phidias, laisse que je contemple  35
le mystère de grâce en femme épanoui!...

Pour tes pieds de satin j'aurai des tourterelles
qui, d'un bec de corail, tes ongles poliront,
et, pour que les lilas enguirlandent ton front,
aux plus froides saisons j'aurai des hirondelles.  40

Viens dans le bois touffu d'un Parnasse ignoré:
j'y chanterai des vers qui sont mon pur dictame!
Ils te pénétreront jusqu'au tréfonds de l'âme
et feront de ton coeur un encensoir sacré!

A nous deux isolés sous les rameaux du songe,  45
nous cueillerons des Dieux tous les fruits défendus,
et, de leurs gazouillis a l'écho répandus,
les oiseaux conteront le vrai d'un doux mensonge!

Febrero de 1908.